Quand la data devient un actif à haut rendement pour la banque et l’assurance

Le 3 avril 2025, l’accélérateur WAI Paris de BNP Paribas a consacré son événement WAi Connect aux défis de la donnée. Alexandra Rouchon-Levy a ouvert la séance. 

Autour d’elle :

• Katarzyna Dudzinska, Group Data COO, BNP Paribas
• Jean-Marc Lazard, CEO & co-fondateur, Opendatasoft
• Romain Gauthier, CEO, Didomi

Trois voix complémentaires – gouvernance, innovation, conformité – mais un constat commun : les banques et assurances ne peuvent plus se contenter d’entreposer des masses de données. Pour créer de la valeur, il faut rendre chaque jeu fiable, gouverné et consommable à l’échelle.

Face à l’urgence de mieux exploiter leurs actifs data, les acteurs financiers doivent passer d’une logique d’accumulation à une logique d’activation.

« La donnée n’a de valeur uniquement si elle est transparente, si elle est bien partagée, si elle est utilisable au bon moment », rappelle Katarzyna Dudzinska, Group Data COO de BNP Paribas​

Autour de ce principe fondateur, trois priorités se dessinent pour bâtir une stratégie data robuste et pérenne.

1. Qualité et fiabilité – passer du doute à la décision éclairée

Stress tests climatiques, reporting ESG, norme BCBS 239 : chaque nouvelle exigence réglementaire renforce la même réalité — une décision n’est solide que si sa donnée l’est tout autant. Sans traçabilité, un biais se glisse, un risque grossit, une sanction tombe. « Aujourd’hui, la qualité n’est plus une option », insiste Katarzyna Dudzinska, rappelant que des sondes de contrôle et un data lineage jusqu’à l’usage sont la première ligne de défense.

2. Protection & confiance – transformer la contrainte RGPD en avantage client

Le RGPD impose un contrôle strict des données personnelles. Mais, loin de freiner l’innovation, il offre une formidable opportunité de créer de la valeur.

Romain Gauthier, CEO de Didomi, le rappelle : « La donnée personnelle possède déjà une grande valeur… et, combinée à d’autres sources, elle en acquiert davantage encore »​. 

À condition de garantir le consentement, de tracer chaque usage et de prouver à tout moment la légitimité du traitement, cette transparence devient un moteur de confiance. Mieux maîtrisées, les données ouvrent alors la voie à des services hyper-personnalisés, plus pertinents — et donc plus monétisables

3. Culture transverse – parler la même langue pour innover plus vite

Silos historiques, outils disparates, définitions contradictoires : les systèmes hérités fragmentent l’information et ralentissent l’action. Glossaires partagés, référentiels groupe et data marketplaces internes rétablissent une langue commune. Lorsque chaque équipe — conformité, risque, marketing, ESG — consulte un « point de vérité » identique, la collaboration s’accélère et l’innovation suit.

Cette prise de conscience s’étend désormais à l’ensemble du secteur. Selon le dernier Observatoire Odoxa 2025, 81 % des leaders data du secteur assurance estiment prioritaire la mise en place d’un accès unique pour partager leurs données, et plus d’une organisation sur trois prévoit de lancer une data product marketplace dans les douze mois à venir.

Lors de la table ronde, Jean-Marc Lazard, CEO et co-fondateur d’Opendatasoft, a présenté la data product marketplace comme un levier central pour activer pleinement le potentiel des données financières.

« Nous importons les codes des marketplaces e-commerce pour que chacun, dans l’entreprise, découvre et réutilise les data products instantanément », a-t-il expliqué​.

Concrètement, une data product marketplace apporte cinq fonctions stratégiques pour transformer la donnée en actif activable :

• Centraliser toutes les sources : les données internes, celles des partenaires et les données ouvertes sont fédérées dans un catalogue unifié. Chaque source est enrichie, normalisée, et reste à jour grâce à des connecteurs et des flux automatisés.
• Qualifier et documenter chaque jeu : chaque data product dispose d’une fiche descriptive claire (origine, qualité, conditions d’usage), avec des indicateurs de fiabilité et des règles de diffusion précises pour garantir un usage conforme et maîtrisé.
• Simplifier la recherche et l’exploitation : un moteur de recherche sémantique, des prévisualisations intuitives et des API temps réel permettent aux utilisateurs d’accéder rapidement aux données pertinentes, sans solliciter les équipes IT.
• Tracer et analyser l’utilisation : la marketplace suit qui accède à quoi, identifie les jeux sous-exploités, anticipe les besoins, et facilite la preuve de conformité.
• Activer la valeur des données : en rendant chaque jeu lisible, accessible et exploitable, la marketplace permet aux métiers de concevoir de nouveaux services, d’enrichir leurs analyses, d’affiner leur pilotage opérationnel et d’accélérer la création de produits innovants.

À la clé : une donnée activable par tous, une collaboration fluide entre risques, conformité, IT et métiers, et une dynamique d’innovation continue portée par une culture data transverse renforcée.

Lors de la table ronde, Romain Gauthier a rappelé que le RGPD impose (encore aujourd’hui) une nouvelle manière d’aborder les données personnelles : partir de l’usage réel et bâtir la confiance autour de lui .

Il a découpé sa démarche en quatre règles opérationnelles :

1. Collecter moins, collecter mieux. Si l’usage n’est ni clair ni légitime, la donnée reste dehors ; ce filtrage améliore la qualité et réduit les coûts.
2. Obtenir un consentement clair, granulaire et réversible. Chaque canal et chaque finalité doivent faire l’objet d’un choix distinct, que l’utilisateur peut modifier à tout moment.
3. Tracer l’usage de bout en bout. De la saisie initiale au traitement final, un identifiant unique suit la donnée ; cette traçabilité fonde l’éthique et fournit la preuve d’audit.
4. Rendre la transparence tangible. En montrant clairement ce qui est fait des informations, l’entreprise déclenche la confiance, donc la fidélisation et la création de valeur.
   

Romain Gauthier a insisté : sans traçabilité fiable du consentement, une donnée, même techniquement parfaite, peut s’avérer inexploitable.

En posant les bases d’une privacy by design, Romain Gauthier a montré comment assainir le socle : ne conserver que les données vraiment utiles, pouvoir prouver le consentement et tracer chaque usage.

Une fois cette confiance installée, un nouvel enjeu s’impose : exploiter ces données de manière fiable, notamment pour alimenter les projets d’intelligence artificielle, sans jamais perdre le niveau d’éthique et de qualité exigé par la gouvernance data.

Dans cette continuité, la data product marketplace joue un rôle clé : elle garantit que seules les données fiables, conformes et documentées sont mises à disposition des utilisateurs comme des algorithmes.

La fascination pour l’IA générative a traversé toute la table ronde. Mais le message, porté notamment par Katarzyna Dudzinska, est resté lucide : « Sans donnée propre, l’IA hallucine ».

La marketplace agit alors comme garde-fou. Seuls les jeux certifiés conformes, porteurs d’un label conforme au RGPD et d’un contrat d’usage clair, peuvent alimenter les modèles. Les pipelines d’ingestion appliquent automatiquement anonymisation et normalisation. Chaque requête adressée aux jeux de données est loguée, permettant de prouver à tout moment quelle source influence une prédiction. En retour, l’intelligence artificielle contribue à enrichir la plateforme : elle classe automatiquement les nouveaux jeux, suggère des liens entre datasets, détecte les anomalies de qualité.

À travers les retours d’expérience partagés, les premiers bénéfices d’une data product marketplace se dessinent nettement. En structurant les flux de données, la plateforme permet d’accélérer les contrôles réglementaires, de réduire les extractions manuelles et d’éliminer les doublons.

Elle ouvre également la voie à de nouvelles sources de revenus, grâce à la création d’APIs packagées, la commercialisation de jeux de données agrégés auprès de partenaires, ou encore la mise en place de tarifications dynamiques fondées sur une donnée immédiatement exploitable. Autrement dit, la valeur se construit à la fois par l’optimisation des opérations et par le développement de nouvelles opportunités économiques.

Sur le marché, plusieurs initiatives récentes prouvent que l’exploitation saine et gouvernée de la donnée génère des bénéfices très concrets, à la fois en efficacité et en création de valeur. Quelques illustrations :

• Lamie Mutuelle : validation divisée par deux
  En centralisant dans une marketplace l’ensemble des flux transmis par ses délégataires, Lamie Mutuelle a réduit de 50 % le temps consacré aux contrôles réglementaires. Ce gain d’efficacité s’est traduit par la libération de trois jours par mois pour ses équipes métiers, qui peuvent désormais concentrer leurs efforts sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.
• Assureur multicanal : création d’une nouvelle source de revenus
  Dans une logique d’Open Insurance, un assureur a lancé une API proposant un score de risque en temps réel. Cette initiative a permis d’augmenter de 15 % le taux de conversion côté courtiers et d’ouvrir un nouveau flux de revenus récurrents, en valorisant des données stratégiques auprès d’acteurs tiers.
• MAIF : production d’analyses climat accélérée
  En consolidant ses données d’aléas climatiques au sein du Géo Data Hub, la MAIF a transformé son approche des risques environnementaux. La production des tableaux ESG, qui nécessitait plusieurs mois de travail, est désormais réalisée en quelques semaines, avec l’assurance d’un accès homogène et maîtrisé aux sources d’information.

WAi Connect 2025 a posé les choses clairement : une donnée fiable, traçable et activable n’est plus un poids à porter, mais un levier pour aller plus vite, mieux décider et innover sans freins.

Tout commence par quelques fondamentaux solides : poser un socle privacy by design, organiser la circulation des données via une data product marketplace, ancrer une culture data dans tout l’écosystème.

Les organisations qui avancent vraiment sont celles qui construisent pas à pas : sécuriser d’abord les jeux de données critiques, prouver vite la valeur, élargir ensuite au reste des métiers et aux partenaires. Quand la gouvernance devient fluide, les données cessent d’être gérées. Elles travaillent pour l’entreprise. Chaque jour, sans friction, et avec un impact direct sur la performance.

PS : Le replay de l’événement est disponible juste ici !