Démocratiser la donnée : les fondamentaux pour booster l’adoption
C’est autour d’un paradoxe que Datalogy, Coface et Opendatasoft se sont réunis : plus les entreprises investissent dans la donnée, plus cette donnée semble leur échapper. Multiplication des outils, complexité technique, silos persistants… L’obsession du contrôle a produit l’effet inverse : elle freine l’usage.

Cette masterclass, animée par Florence Haxel (CEO de Datalogy), a réuni deux profils complémentaires : Jean-Marc Lazard, CEO d’Opendatasoft, et Philippe Vincent, Chief Data Officer chez Coface, groupe international d’assurance-crédit. Ensemble, ils ont défendu une conviction forte : la donnée ne sera jamais adoptée si l’on continue à complexifier.
Mais simplifier ne signifie pas appauvrir. C’est tout l’enjeu : rendre la donnée visible, fluide, engageante – sans trahir sa richesse. Retour sur une heure d’échanges où l’on parle d’usage réel, d’expérience utilisateur, de culture interne, et surtout d’efficacité.
Penser la donnée comme un produit
La première rupture proposée par Jean-Marc Lazard est frontale : il faut sortir de la logique d’architecture, pour entrer dans celle de l’usage. « Dans le e-commerce, tout est pensé pour l’utilisateur final. On doit faire pareil avec la donnée. » Le mot est lancé : EXPÉRIENCE.
Concrètement, cela implique une approche inspirée du design UX : clarté, call-to-action, réduction des frictions, confiance. On ne parle plus ici de tableaux techniques ou de data lakes poussiéreux, mais de data product marketplaces : des espaces structurés, orientés métier, où l’on trouve la donnée comme on trouverait un produit sur une plateforme marchande.
Cette métaphore n’a rien d’anecdotique. Elle traduit une bascule : ne plus penser la donnée comme un stock, mais comme un service.
« On simplifie l’accès, pas la donnée. » – Jean-Marc Lazard
Le “time-to-data” devient un indicateur clé. L’important n’est plus seulement d’avoir la donnée, mais d’y accéder rapidement, dans un environnement compréhensible, avec un niveau de qualité et de documentation suffisant pour qu’un non-expert puisse l’exploiter.
Sortir de la logique d’expert
Dans le prolongement, Florence Haxel souligne un autre point fondamental : les mots que l’on utilise pour parler de la donnée façonnent la manière dont elle est perçue. Consommateur ? Utilisateur ? Contributeur ? Ces nuances ne sont pas neutres. Elles influencent directement la posture des équipes face à la donnée, et donc leur capacité à se l’approprier.
« Parler de consommation des données, est-ce vraiment pertinent ? » – Florence Haxel
Chez Coface, Philippe Vincent observe une mutation nette. Là où les métiers attendaient autrefois des rapports prêts à l’emploi, ils veulent aujourd’hui manipuler eux-mêmes les données. Mieux : ils en ont les compétences. Les outils de dataviz comme Power BI, les formations au code de plus en plus précoces, les attentes en matière d’autonomie ont profondément redéfini les rôles.
Mais cette montée en compétence a un revers : si la donnée n’est pas documentée, elle sera mal interprétée.
« Si on consomme une donnée qu’on ne comprend pas, on transmet un faux message. » – Philippe Vincent
D’où l’importance d’un glossaire data partagé, d’une documentation claire, et d’un travail de mise en récit. Car ce n’est pas parce qu’un collaborateur sait transformer un jeu de données qu’il en saisit forcément la signification métier.
Mettre en scène pour mieux partager
La donnée brute ne parle à personne. Elle ne devient utile que si elle est contextualisée, éditorialisée, rendue visible. Là encore, Datalogy et Opendatasoft convergent : le marketing de la donnée est une brique indispensable.
« Une marketplace, ça ne se remplit pas toute seule. Il faut la scénariser. » – Florence Haxel
Concrètement, cela passe par des pages thématiques, des mises en avant de cas d’usage, des jeux de données regroupés par métier ou par besoin opérationnel. Datalogy parle même de “use cases éditoriaux” pour désigner ces parcours conçus à partir d’enjeux concrets.
Cette logique narrative permet aussi de valoriser les contributeurs. Un agent qui partage un jeu de données bien structuré ne fait pas “juste son travail” : il offre aux autres un levier. Lui donner de la visibilité, c’est ancrer la culture data dans l’humain, pas seulement dans les processus.
Mutualiser plutôt que dupliquer
Côté Coface, la logique de marketplace s’est imposée pour une raison très simple : éviter les doublons. Avant, plusieurs équipes réclamaient les mêmes extractions, sans savoir qu’elles existaient déjà. Maintenant, elles peuvent consulter les interfaces, même sans y avoir directement accès. Le gain de temps est immédiat.
« La donnée circulait déjà… souvent sous le manteau. La marketplace structure l’accès. » – Jean-Marc Lazard
L’intérêt n’est pas que technique. Il est aussi culturel. On passe d’un usage opportuniste à une gouvernance distribuée. Les collaborateurs peuvent découvrir ce que d’autres ont produit, s’en inspirer, en discuter. Cela suppose évidemment des garde-fous (accréditations, traçabilité, observabilité), mais l’enjeu principal reste la fluidité.
Affronter les résistances
Partager ses données ne va pas de soi. Certaines directions y voient une perte de pouvoir. D’autres s’inquiètent des usages potentiels. Là encore, le mot “démocratisation” est piégé : il ne signifie pas ouverture naïve, mais gouvernance éclairée.
« Certains métiers vivent la réutilisation de leurs données comme une perte de contrôle. » – Philippe Vincent
C’est pour cela que la stratégie d’adoption doit reposer sur trois piliers :
- une organisation transverse, comme le data office de Coface ;
- une plateforme intuitive, pensée pour tous les niveaux de compétence ;
- un accompagnement RH et managérial, pour faire évoluer les pratiques.
Sans l’implication du top management, rien ne bouge. Et sans travail d’acculturation, tout reste superficiel. Chez Opendatasoft, la plateforme intègre des outils qui aident les producteurs de données à documenter, structurer et exposer leurs jeux de données. Ce n’est pas du “no-code” marketing : c’est du service pensé pour l’adoption.
« La culture data, ce n’est pas du digital en plus. C’est une nouvelle façon de travailler. » – Jean-Marc Lazard
Faire vivre la donnée au quotidien
Dernier frein : l’obsession de livrer une solution parfaite avant de la présenter. Une stratégie contre-productive selon Florence Haxel.
« Il ne faut pas attendre la perfection pour commencer à communiquer. »
Datalogy anime des ateliers de storytelling à destination des data analysts. Objectif : leur apprendre à présenter un dashboard, non comme un livrable technique, mais comme un levier de décision. Cette capacité à raconter ce que montre la donnée, à l’adapter à l’audience, est désormais centrale.
Une data marketplace sans animation reste un entrepôt. Communiquer au fil de l’eau, valoriser les retours, s’appuyer sur les ambassadeurs : ce sont ces micro-actions qui permettent à la donnée de devenir un usage quotidien, pas un enjeu distant.
Ce qu’il faut retenir
- Simplifier n’est pas trahir la complexité. C’est refuser de faire porter la charge technique à l’utilisateur final.
- Adopter une logique produit. Une donnée bien exposée, bien documentée, bien packagée vaut mille dashboards.
- Ne pas opposer culture et outil. Sans gouvernance ni marketing, une plateforme ne suffit pas.
- Ne pas sous-estimer les mots. Ce que l’on dit de la donnée modèle la manière dont on s’en sert.
- Faire avant d’être prêt. Montrer, raconter, ajuster : l’adoption commence dès les premiers cas d’usage.
Ce que ce webinar rappelle avec force, c’est que la démocratisation de la donnée n’est pas un supplément d’âme. C’est un levier d’efficacité, d’agilité, de confiance interne. Et pour l’activer, il ne faut pas de formule magique. Il faut du design, du récit, et une plateforme qui respecte l’intelligence de ses utilisateurs.
Pour aller plus loin, avec toutes les nuances et les exemples partagés, le mieux est encore de visionner le replay complet, disponible sur YouTube.