Comment aider les organisations à créer de la valeur au quotidien grâce à la réutilisation des données ?
D’un secteur à l’autre, et au sein même des organisations, les usages autour de la donnée et les ressources à mobiliser sont très différents. Pour comprendre comment déployer des projets data générateurs de valeur à grande échelle, nous avons interrogé Mick Lévy, Directeur de l’Innovation Business chez Business & Decision.
Matière première inépuisable, la data peut se changer en or si elle est valorisée efficacement. Devenir une organisation data-driven, c’est exploiter les données pour irriguer vos prises de décisions et améliorer votre efficacité opérationnelle comme vos offres et services.
D’un secteur à l’autre, et au sein même des organisations, les usages autour de la donnée et les ressources à mobiliser sont très différents. Pour comprendre comment déployer des projets data générateurs de valeur à grande échelle, nous avons interrogé Mick Lévy, Directeur de l’Innovation Business chez Business & Decision.
Mick Lévy est un acteur engagé du monde de la data et de l’intelligence artificielle, et un observateur avisé des impacts économiques et sociétaux de ces technologies. Spécialiste de la donnée depuis 20 ans, il conseille les entreprises sur leur stratégie numérique et les accompagne dans leurs projets d’IA et de valorisation des données, dans tous les secteurs d’activité, en France et à l’étranger. Il est l’auteur de « Sortez vos données du frigo » sorti en Février 2021 aux éditions Dunod.
Spécialiste de la donnée depuis 20 ans, comment avez-vous vu évoluer les organisations en matière de data dans le contexte de transformation digitale ?
Ces 20 dernières années, j’ai pu assister à une évolution fulgurante dans le monde de la data. Auparavant les données n’étaient utilisées qu’à des fins de reporting, “à froid”, et étaient considérées comme un “must-have” que seules les organisations les plus développées pouvaient généraliser.
Le domaine de l’Analytics est absolument indispensable, mais les organisations ont compris que l’intérêt des données ne se limite pas à cela, et elles les considèrent désormais comme un actif créateur de valeur à part entière. À commencer par les GAFAM qui ont basé leur modèle économique sur les données pour passer à la vitesse supérieure et proposer des services et une expérience client incomparables.
La donnée s’est depuis imposée comme un levier indispensable pour créer de nouveaux business, notamment grâce à l’IA, et se place au centre des organisations. Toutefois, leur plein potentiel reste encore à exploiter. Les entreprises avec lesquelles je travaille sont souvent surprises (positivement) par les résultats obtenus après la mise en place de projets data. Cela est dû à une raison simple : elles n’ont pas conscience du potentiel de leurs données avant de créer de réels usages.
Quels sont les secteurs qui se sont adaptés le plus rapidement ? Ceux qui ont rencontré le plus de difficultés ?
La disponibilité des données dans les différents secteurs d’activité a été un facteur déterminant dans l’adoption rapide d’une stratégie de valorisation de données. Les acteurs de la banque, de l’assurance, de l’énergie ou encore du retail, qui disposaient déjà de nombreuses données et d’une culture de la data en interne ont eu un avantage considérable. Par ailleurs, la compétitivité dans ces secteurs a mis une grande pression sur les entreprises qui n’avaient pas d’autres choix que de passer à l’ère du Big data.
Les secteurs de l’industrie, de la construction ou de l’agroalimentaire ont d’abord dû trouver des moyens pour collecter des données et apprendre à les manipuler. Le mouvement s’est d’ailleurs accéléré avec l’avènement des capteurs et l’internet des objets IoT. Ces organisations ont une revanche à prendre comme l’illustre bien la formule de Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur : “Nous ne sommes pas en retard, au contraire ! Cette guerre des données industrielles débute maintenant et l’Europe sera son principal champ de bataille ».
Aujourd’hui, tous les secteurs sont concernés et ont tout à gagner à valoriser leurs données. Les organisations doivent désormais gagner en maturité et construire un modèle data-driven pour répondre aux besoins de leurs marchés.
Quels sont les principaux freins à la démocratisation des données ?
Le manque de culture data en interne est la principale difficulté pour les acteurs qui souhaitent mettre la donnée au centre de leur organisation. On constate au départ des projets une certaine réticence à partager les données, voire une certaine méfiance de la part des différents départements. Soit parce que les métiers ne sont pas habitués à les manipuler, soit parce que la culture de l’organisation ne favorise pas le partage des données en interne.
Pour faire évoluer cette situation, les plus hautes entités de l’organisation (Board, CODIR, COMEX), doivent comprendre que la donnée est un actif de l’entreprise à part entière et doit donc avoir une place stratégique. Ce qui entraîne la mise en place de ressources et de nouvelles technologies pour permettre à tous de créer de la valeur au quotidien. En complément, des programmes de formation à l’échelle de l’entreprise sont indispensables pour faire comprendre comment la donnée transforme l’organisation et permettre à tous d’y accéder et de l’utiliser facilement.
Par ailleurs, l’équipe chargée des données doit avoir des relais dans chaque département pour accompagner les collaborateurs dans la mise en place de nouveaux projets. Cet équilibre entre profils techniques et profils métiers est indispensable pour faire naître des usages concrets et créer de la valeur.
Quel est le rôle de la gouvernance dans la réussite des projets data des organisations ?
Une fois que les organisations ont compris qu’elles sont face à un puissant actif, il leur faut définir les règles et processus qui leur permettront de tirer profit de leurs données. La gouvernance répond à cet enjeu en proposant une définition unique des données pour l’organisation, ainsi qu’un accès et des règles pour les réutiliser. Une bonne gouvernance permet ainsi d’avoir une gestion équilibrée et contrôlée du capital data de l’organisation (cartographie des données, sécurité, etc.) et de garantir son exploitabilité (qualité des données, référentiels, etc.).
La mise en place d’une telle stratégie est un projet long et complexe et qui implique de nommer un responsable de la gouvernance des données.
Il est toutefois important d’adopter une approche pragmatique et de commencer avec des problèmes simples à résoudre et facilement identifiables, par exemple : améliorer la qualité des données car cela à un impact direct sur l’expérience client.
Quelle méthodologie appliquez-vous pour accompagner les organisations dans le déploiement de leurs projets data ? Diffuser une culture data ?
Chez Business & Decision nous avons créé des outils pour accompagner les organisations dans la définition de leur stratégie data. Six piliers fondamentaux sont ainsi utilisé pour structurer les stratégies :
1. Usages : Identifier et développer les usages créateurs de valeur pour l’organisation.
2. Culture : Diffuser la culture en interne (via des formations, ateliers, etc) et transformer l’organisation pour une exploitation intensive et responsable des données et de l’IA
3. Gouvernance : Déployer une stratégie de gouvernance pour maîtriser le patrimoine et maximiser l’exploitabilité des données
4. Responsabilité : Définir et appliquer une politique concrète concernant la protection et la sécurité des données, l’éthique de l’IA et la maîtrise de l’empreinte environnementale.
5. Technologie : Choisir et intégrer l’infrastructure et la stack technologique adaptées.
6. Exécution de la stratégie : Définir les moyens, les ressources et une feuille de route : planning, objectifs, organisations, etc.
Pour commencer et concrétiser la mise en place de ces 6 axes, nous conseillons toujours de trouver un cas d’usage simple avec des collaborateurs motivés. Il est ensuite possible de répliquer à plus grande échelle et de diffuser les premiers savoirs en interne.
Quelle est la stack technologique idéale pour rendre la donnée accessible et créer des usages ?
Il existe de multiples approches technologiques… et il n’y a donc pas de réponse unique à cette question ! Il y a toutefois plusieurs enjeux clés qui peuvent orienter les choix technologiques des organisations.
Premièrement, elles doivent s’équiper d’outils qui leur permettent d’exploiter la donnée en tant qu’actif et de briser les silos au niveau de l’organisation comme du SI.
La plateforme choisie doit donc permettre de diffuser les données dans toute l’organisation, mais aussi vers l’externe, via un portail libre d’accès et qui ne nécessite pas d’expertise technique avancée.
Deuxièmement, il est essentiel de prendre en compte l’enjeu d’interopérabilité et de proposer un accès fluide et rapide aux données à toutes les parties prenantes. Des fonctionnalités de partage via APIs et de gestion des accès seront donc nécessaires pour garantir une réutilisation des données en toute sécurité.
Une fois la stratégie de gouvernance et les usages identifiés, il est possible de définir la stack technologique qui convient réellement à l’organisation. ll faut avant tout choisir les technologies qui permettront de réaliser les usages définis par l’organisation et qui s’adaptent à la stratégie de gouvernance mise en place.
Avez-vous des exemples de clients ayant opéré des changements radicaux dans leur manière de gérer les données ? Pour quels bénéfices ?
Nous accompagnons de nombreux groupes qui se réorganisent autour de la data et changent leur manière de travailler. Certains de nos clients ont déjà identifié plus d’une centaine de cas d’usage après quelques mois de réflexion autour de leur projet data.
On retrouve plusieurs points communs chez les acteurs qui parviennent rapidement à obtenir des bénéfices :
Un Chief Data Officer qui porte la stratégie et coordonne l’ensemble des projets. Les organisations les plus ambitieuses en matière de valorisation des données le placent dans le cercle stratégique de l’organisation.
Des investissements conséquents pour s’équiper de technologies data, dispenser des formations, créer des ressources, etc.
Une implication de toutes les directions, départements et sites de l’organisation.
Quelles sont les prochaines tendances qui auront un impact dans le monde de la data ?
Sur le volet technologique, on observe un engouement important pour le Cloud. Cette technologie est simple à mettre en œuvre et les investissements progressifs permettent aux organisations d’y avoir accès très rapidement.
Toutefois, la tendance la plus importante pour moi est sans aucun doute le Data Mesh ! Le terme ne désigne pas uniquement une technologie ou une architecture data mais un cadre de travail complet pour valoriser la data et l’analytique à l’échelle de l’entreprise. Ce modèle a un avenir certain puisqu’il redonne le pouvoir de la donnée aux métiers. L’objectif est d’adopter une organisation distribuée par domaines de données tout en ayant un niveau fédéré de la gouvernance et des plateformes technologiques.
Nous observons que c’est un sujet qui intéresse beaucoup nos clients et nous avons d’ailleurs lancé le « Data Mesh Bootcamp » : un atelier d’une journée pour permettre aux organisations de réfléchir au sujet et de se projeter en définissant un plan d’action concret à 3 mois, 1 an et 3 ans.
Enfin, la fluidité maîtrisée des données au travers de l’organisation est aussi un sujet créateur de valeur. Le sujet des data marketplaces porté par Opendatasoft est essentiel pour libérer les données, faciliter les accès et permettre de créer de la valeur par la collaboration de l’ensemble des parties prenantes. Cette approche de partage fédéré et maîtrisé est d’ailleurs l’un des fondamentaux du Data Mesh.
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